Bon donc voilà. Mais en fait c'est plus un texte, je ne sais pas, une sorte de nouvelle en phrases de seize syllabes (il faut le lire comme on parle, pas comme du Beaudelaire

). Bon ça ne plaira peut-être pas à tout le monde... et puis mieux vaut trop de précautions que pas assez, il y a des trucs comme quand on dit "attention, il y a des images crues", mais là avec des mots donc.
ICI
C'est ouvrir les yeux sur un monde qui ne devrait pas exister,
En devenant un peu lucides sur la face cachée du fait d'être,
Ce qu'implique chaque inspiration de nos corps gavés d'esclavage,
Ce que veut dire distraire une âme que nos fois grasses et fausses effacent.
Le constat se fait sans appel : nous sommes nourris à la souffrance.
Des cinquante milliards d'animaux, bouillis vivants, castrés à vif,
Découpés automatiquement, qui chaque année crèvent à la chaîne,
Juste à l'orée de nos principes, un peu trop loin pour nous atteindre,
Aux huit-cent millions de leurs frères, faits du même sang que nos enfants,
Qui se font recouvrir de crème ou bien cramer au chalumeau,
Dont la peau finit en lambeaux pour que la nôtre soit plus douce.
Grandeur de l'homme civilisé ou barbarie la plus primaire,
Dans tous les cas de la douleur, même quand elle n'est pas volontaire.
Des saumons lentement asphyxiés dans les cales de nos ignorances
Aux premières victimes de la mode, propriétaires originels
De toutes ces fourrures encore tièdes pour envelopper nos coeurs rances.
Nous sommes éteints de l'intérieur, comme abandonnés par nous-mêmes,
Par l'étincelle qui voit en l'autre et peut sauver en se sauvant
De ce piège qu'est l'antre stérile des faux besoins, ceux qui font mal,
Mais pas à nous, individuels, sinon qui sait, quoique en fait...
Ici c'est vendre ou acheter, parfois se vendre, se racheter.
Obligation d'avoir un nom, de prendre en compte les conditions.
Il faut produire de la croissance, mais surtout pas celle de nos sens,
Qui nous confronterait au choix de rester muets, aveugles ou sourds,
D'ignorer ou d'écouter ça sans pouvoir jamais oublier.
Les cris, les yeux, les coups, les cages et que ceux qui décident, ici,
Qui scient les mères ou s'en régalent, sont du même sang que leurs enfants.
De la fumée qui sort des toits et la seule issue c'est la mort,
Au fond d'un camp ou bien ici, un abattoir de Normandie,
Une scène de meurtre continuel où la mort n'est jamais totale,
Qu'importe le nombre ou qui implore et à peine l'écho d'un émoi
Aux sacrifiés de l'inutile, de l'inconscience, de nos orgies.
Mais si par chance l'écho ricoche, alors la balade est finie,
Les paupières arrachées aussi et aucun moyen d'éviter
Le sang qui gicle dans nos rages quand on égorge nos amis.
Ici les boeufs n'ont pas d'issue et les dieux n'ont pas réussi,
À épargner les chairs trahies, à donner un sens à leurs plaies.
C'est une réalité morbide qui frappe la vie sans distinction,
Sans volonté et sans justesse, animal, humain, c'est pareil,
Simple poussin à la broyeuse ou gamine sous coke d'un bordel,
Jamais trop tard pour un réveil, fut-il laborieux, presque vain,
Jamais trop tôt pour une conscience, même au fond des furies, ici.